La violence dans les contes de fées
De nos jours, les contes de fées ou, plutôt, leurs adaptations, nous rappellent nos rêves d’enfants par leur magie, leur douceur et, parfois, leur mièvrerie. Les chevaliers sont preux, les princesses sont belles, les vilains sont punis. Les histoires finissent toujours bien – ce qui est pratique, avouons-le, pour apaiser l’enfant aux portes du sommeil…
Pourtant, à l’origine, tout n’était pas si rose au pays des contes. C’est plutôt la noirceur qui dominait. Et pour cause : les contes de Perrault et de Grimm, issus de la tradition orale, puisaient leur source dans des faits divers ou des mythes populaires. La violence et la cruauté y étaient omniprésentes, car ils en faisaient un usage éducatif. Ces récits perpétuaient une vision du monde simpliste et manichéenne en phase avec l’ordre social.
La Belle au bois dormant en est un exemple parlant. Le conte originel de Giambattista Basile, paru entre 1634 dans le Pentamerone, raconte comment la belle Thalie est abusée dans son long sommeil par le roi, puis abandonnée à son sort. Elle accouche de deux enfants dans son coma et ne se réveille que bien après. Ses malheurs ne s’arrêtent pas là : la femme du roi veut la faire brûler vive et cuisiner ses enfants pour les servir, en dîner, à leur propre père ! La version de Perrault, plus tardive, n’est pas non plus exempte de cruauté. La belle-mère y finit dans une cuve remplie de serpents !
Basile et Perrault visaient un public adulte et lettré, issu de l’aristocratie ou de la bourgeoisie, mais aussi leurs enfants, exposés très tôt aux questions de mariage, de mort et de succession. Au contraire, les adaptations récentes de Disney s’adressent aux familles et surtout aux enfants, simplement pour les divertir. Le film Maléfique, sorti récemment, gomme ainsi les aspects susceptibles d’être jugés immoraux et font même de l’antagoniste traditionnelle, l’héroïne éponyme – gentille, quoique badass !
Notre société a évolué au fil des siècles : elle est plus complexe, peut-être plus fragile. Mais elle n’est pas moins violente. La guerre, l’injustice et la misère existent toujours, hélas. Mais les progrès en matière de protection de l’enfant invitent à l’optimisme. Dans la plupart des pays, nous avons interdit le travail forcé et les châtiments corporels, pénaliser les violences domestiques, établi les droits de l’enfant.
Ainsi, la production culturelle et artistique destinée à la jeunesse – qui inclut les livres – tend à se lénifier, signe probable de maturité.
Antoine de Littérative