La grossophobie dans la littérature jeunesse
La perception des corps gros, en_Europe, a_changé au_gré des modes et des époques. Une corpulence marquée était tantôt valorisée, tantôt dénigrée. Soit comme un signe de force pour les hommes et de fécondité pour les femmes, soit comme la preuve d’un penchant pour la gourmandise et la luxure, des péchés capitaux… Pendant des siècles, sans normes précisant les proportions moyennes d’un corps humain, ce sont d’abord des personnages mythiques qui furent représentés avec des proportions extrêmes : dieux, déesses, géants ou ogres.
Les proportions anatomiques relevaient des normes artistiques. Et le modèle antique – corps mince et musclé, associé à la noblesse d’âme – alterna, depuis la Renaissance, avec des silhouettes plus en chair – exprimant la volupté ou la puissance. La notion médicale de corps moyen n’est apparue qu’au XXe siècle avec les progrès de la science et la standardisation des unités de mesure, comme le kilogramme. Le corps prétendument « parfait » devint alors un outil marketing pour encourager les foules à consommer des crèmes, des régimes, des accessoires, etc. pour entretenir ce mirage.
Le sport, le cinéma, la publicité et l’édition, en tant que médias visuels, contribuèrent particulièrement à la mécanique systémique grossophobe en promouvant cette image du corps socialement acceptable et, à l’inverse, en stigmatisant les corps gros.
La rhétorique grossophobe consiste à associer une corpulence jugée « anormale » à des traits psychologiques ou moraux négatifs – comme la méchanceté, la stupidité ou la faiblesse. Et c’est sur ces enjeux de représentation et de narration que la littérature jeunesse peut – et doit – casser les stéréotypes et favoriser des modèles positifs de personnages gros : qu’il s’agisse de les mettre sur le devant de la scène, ou en arrière-plan, sans les dévaloriser ni les diaboliser à cause de leurs rondeurs ou de leur poids.
Tiphaine & Antoine de Littérative